Myranda Arseneault
Artiste multidisciplinaire


Objet perdu 1/1200
Objet perdu 1/1200 est une œuvre présentée au Musée d’art de Joliette en 2017. Elle rend hommage aux femmes autochtones disparues et assassinées au Canada — dont le nombre officiellement recensé dépasse les 1200, mais pourrait en réalité approcher les 4000, selon certaines études.
Derrière ces chiffres, ce sont des vies effacées, des histoires interrompues, et des familles laissées dans le silence. Plusieurs d’entre elles continuent de réclamer vérité et justice, dénonçant des enquêtes incomplètes, absentes ou négligées.
Ce projet naît d’un profond devoir de mémoire et d’un désir de visibiliser l’invisible. Il s’inspire notamment du travail de Rebecca Belmore, artiste Anishinabe reconnue pour ses performances puissantes qui dénoncent les injustices vécues par les peuples autochtones, ainsi que de Chiharu Shiota, artiste japonaise dont les installations en fils tendus matérialisent l’interconnexion, la fragilité et la perte.
L’installation se présente comme une structure suspendue, à la fois délicate et imposante. Le visiteur est invité à tourner autour de l’œuvre, puis à monter sur un escabeau pour en découvrir l’intérieur. À travers l’anneau supérieur, on aperçoit le visage d’une femme autochtone, les yeux clos, projeté dans un espace circulaire rappelant la roue de médecine — symbole du cycle de la vie et de l’équilibre. Ce geste d’élévation, nécessaire pour accéder à la vision du visage, souligne la difficulté d’atteindre la vérité, en écho à la lenteur et au désintérêt institutionnel entourant les enquêtes sur ces disparitions. La couleur rouge, omniprésente dans l’installation, évoque la petite robe rouge, devenue emblème de la mémoire des femmes autochtones disparues et assassinées. Rouge comme le sang, comme la résistance, comme le lien vital entre les générations.
Le cercle, forme récurrente de l’œuvre, incarne la continuité, mais aussi la blessure encore ouverte d’un cycle de violences coloniales et systémiques.
Objet perdu 1/1200 se veut un espace de recueillement et de reconnaissance, une trace tangible de ce qui ne doit pas sombrer dans l’oubli. L’œuvre pose un regard sur la disparition, mais aussi sur la résilience, invitant chaque spectateur·rice à faire l’effort — physique, symbolique et émotionnel — de voir, de se souvenir, et de témoigner.